Journée d’étude « La thèse – et après ? » Paris, le 15 juin 2016
Le but de la manifestation était non seulement de faire ressortir les points communs et les différences entre la France et l’Allemagne quant à la situation des jeunes chercheurs, mais aussi d’apprendre de l’autre et sur l’autre, d’échanger des idées et initier de nouvelles initiatives. Parmi les 90 participants, Il y avait des représentants de toutes disciplines et de différents niveaux de qualification, ce qui rendait le débat d’autant plus dynamique. Dans quatre ateliers interactifs, les participants se sont penchés sur différentes problématiques et ont obtenus des résultats enrichissants. Pour encourager encore davantage l’échange, la manifestation s’est terminée sur une présentation en « Worldcafé ».
En guise d’introduction, la directrice du DAAD Paris, Christiane Schmeken, a mis l’accent sur les différences entre les systèmes français et allemand. Partant du constat que le nombre de doctorants est nettement plus élevé en Allemagne qu’en France (200.000 versus 60.000 doctorants), elle a souligné le fait que le doctorat continue à être plus généralement reconnu en Allemagne qu’en France. Il permet notamment d’accéder à des postes à l’extérieur du secteur universitaire, dans le public et le privé, ce qui fait que le taux de chômage n’est que de 2% pour les docteurs en Allemagne, contre 9% en France. C’est ce qui a été relevé récemment par la cour des comptes française qui a critiqué le taux élevé de chômage des docteurs français, notamment en vue du budget d’un milliard d’euros par an consacré à la formation des doctorants. Pour remédier à cet état des choses, la cour des comptes propose une promotion accrue du doctorat dans le privé, de la part des établissements d’enseignement supérieur français. De plus, les doctorants eux-mêmes devraient évoluer au niveau de leur projet professionnel. Seulement 24% se destinent actuellement à une carrière en entreprise, tandis que 38% finissent par intégrer le privé.
Ensuite, une table ronde réunissant six experts français et allemands a permis un échange passionnant sur les perspectives des jeunes chercheurs en France et en Allemagne. En intégrant des positions parfois opposées et des points de vue divergents, les intervenants ont mené un débat très dynamique. Parmi les points évoqués, il faut nommer en premier lieu la question du financement du doctorat. Serait-il souhaitable que tous les doctorants aient des postes pour réaliser leur thèse dans les meilleures conditions ? Est-ce une option réaliste en vue de la situation financière des universités dans les deux pays ? Qui est responsable de la situation souvent difficile des doctorants : les universités ou l’Etat qui ne met pas à disposition un budget suffisant pour que les universités puissent offrir un nombre adéquat de contrats doctoraux ? Serait-il souhaitable que le financement à travers des bourses disparaisse en faveur de la mise à disposition de postes pour tous ? Comment évaluer la situation plutôt confortable des jeunes chercheurs en sciences dures en vue de celle, nettement plus difficile, des jeunes chercheurs en SHS ? Mais aussi : De combien de stabilité a besoin un doctorant pour mener à bien ses recherches ? Une part de risque est-elle tolérable, et si oui, à quel moment et jusqu’à quel point ? Comment équilibrer entre le souhait tout à fait légitime des jeunes chercheurs de se retrouver dans une situation financière stable et le besoin de renouvellement et de compétitivité du système d’enseignement supérieur ? Quel est le rôle des universités dans l’accompagnement des jeunes chercheurs ? De quel type de formations et de quel suivi ceux-ci ont-ils besoin ? Est-il justifié voire utile que l’Etat intervienne de plus en plus massivement dans l’organisation des études doctorales ? Qu’est-ce que les approches structurantes – tel que les écoles doctorales et les collèges doctoraux – apportent ? Comment garantir que la recherche reste au cœur de la formation des jeunes chercheurs ?
Le débat se poursuivait ensuite dans quatre ateliers, dont le premier s’interrogeait sur la situation financière des jeunes chercheurs en France et en Allemagne. La réflexion tournait autour des pistes poursuivies dans les deux pays : En Allemagne, il existe, à l’heure actuelle, très peu de postes en CDI pour post-docs. En même temps, des modèles innovants ont été établis comme le « Tenure track » et les « Juniorprofessuren » menant droit au statut de professeur. En France, par contre, ont été maintenues les postes de maître de conférences auxquels les candidats accèdent à 33 ans en moyenne, l’âge moyen de fin de thèse des doctorants allemands. Autrement dit : Faut-il miser sur le modèle français avec sa garantie d’un poste assuré, mais parfois peu attractif, ou sur le modèle allemand avec sa promesse d’un poste de professeur qui comprend un risque réel d’échec ? A travers l’échange, ressortait une observation interculturelle intéressante : En France, avoir un CDD est considéré comme un stigma et empêche l’accès à une vie quotidienne en sérénité. En Allemagne, se trouver dans une situation instable au niveau de l’emploi n’est pas si mal vu, ce qui est peut-être dû à la flexibilisation plus marquée du marché de l’emploi outre-Rhin.
Le deuxième atelier a jeté un regard comparatif sur les différentes disciplines scientifiques. Il en est résulté que la maîtrise de langues étrangères, l’expérience à l’international ainsi que l’obtention de « soft skills » constituent des atouts de plus en plus importants aussi bien dans les sciences dures que dans les sciences humaines et sociales. Ce qui distingue les disciplines, ce sont les canaux de publication, le choix du sujet de thèse, et également la langue de rédaction. De plus, il a été constaté que les sciences dures promettent généralement plus de certitude pour l’avenir professionnel.
Dans le troisième atelier, les participants se sont interrogés sur les problèmes divers rencontrés par les jeunes chercheurs durant et après leur thèse. Ont été nommés, pour la période de thèse, la durée, le financement, la liberté académique, la culture disciplinaire ainsi que la vulgarisation. Après la thèse, les défis majeurs sont : comment trouver un post-doc adéquat, concilier le privé et la profession, créer des réseaux fructueux ? Par ailleurs, ce sont les questions des droits sociaux et de la mobilité qui préoccupent les jeunes chercheurs.
Le quatrième atelier a étudié le rôle des compétences transversales dans les carrières des jeunes chercheurs. Les participants ont constaté qu’en France, les compétences transversales sont perçues de manière beaucoup plus négative qu’en Allemagne. Alors qu’en Allemagne, ces compétences sont valorisées, s’y orienter est plutôt vu en France comme signe d’un manque d’expérience et de rigueur. Or, les participants étaient unanimes par rapport à l’utilité accrue des compétences transversales pour le développement personnel et professionnel des jeunes chercheurs.
À la suite des ateliers, les conclusions de chaque groupe de travail ont été présentées en format « World Café ». Un processus créatif qui vise à faciliter le dialogue constructif et le partage de connaissances et d’idées. Pour ce faire, les participants se sont rassemblés en petits groupes autour des flipcharts sur lesquels les résultats de chaque atelier ont été notés. Reproduisant ainsi l’ambiance d’un café, les participants ont eu l’occasion de poursuivre les discussions sur les résultats de chaque atelier.
Clôturée par une soirée barbecue, la journée d’études a réussi à créer une ambiance d’échanges et de débats qui a permis aux participants d’analyser la situation actuelle des jeunes chercheurs en France et en Allemagne, de s’exprimer et d’en profiter pour leur avenir professionnel.